• Mauricio ou les élections sentimentales Roman - Eduardo Mendoza

      La première nous est fa­milière, car Barcelone est la capitale catalane dont le romancier a déjà traqué les évolutions depuis la fin du XIXe siècle, dans La Ville des prodiges, La Vérité sur l'affaire Savolta ou Une comédie légère (Prix du meilleur livre étranger 1998). Cette fois, Mendoza situe son roman à la fin des années 1980, quelque temps après la fin de la période de transition démocratique. Barcelone change de physionomie, subit les reconversions industrielles et se prépare pour accueillir les jeux Olympiques de 1992. Mais, plus que l'enthousiasme, c'est la désillusion qui prédomine. Mauricio, jeune chirurgien-dentiste pour lequel tout va bien, pourrait se satisfaire d'une clientèle fidèle et d'un avenir tout tracé comme actionnaire d'une clinique. Pourtant, comme nombre de ses compatriotes, il éprouve un certain malaise à vivre dans une société déjà désabusée par les plaisirs de la Movida.

    L'issue serait-elle de militer ? Mauricio est approché par des cadres du Parti socia­liste catalan pour participer à une campagne électorale. Le dentiste devient alors orateur, devant des auditoires populaires, dans la périphérie de Barcelone. Il parle, argumente, brode autour d'un hypothé­tique programme politique, se glisse dans les discours convenus qui expliquent qu'il faut changer l'ordre des choses et ne plus se complaire dans les arguties théoriques ni les vociférations. Il n'est pas toujours sûr d'être à sa place et se demande, de la conviction ou de la manipulation, ce qui l'emporte dans sa démarche. Un prêtre ouvrier, l'abbé Serapio, buveur de rhum et authentique bienfaiteur des gens pauvres, le sermonne à chaque instant. Un autre, ancien de la guerre d'Espagne, conteste les objectifs . Certes, Mauricio courtise Clotilde, mais la jeune avocate est finalement aussi perdue que lui, déjà fatiguée d'être arriviste. Il trouvera un instant le ­réconfort entre les bras de Porritos, jeune femme pétillante, mais malade du sida. Il l'assistera jusqu'à la fin, le combat que mène Porritos pour rester en vie étant finalement le seul qui vaille.

    Ce roman d'Eduardo Mendoza est celui de la fin des idéologies, où un homme ordinaire cherche à sauver son intégrité morale, sans illusion sur les changements annoncés, et lucide sur ce qui ne changera jamais. Mauricio, c'est notre semblable : le témoin d'une société inique qui veut échapper au cynisme ambiant.